vendredi 9 juillet 2010

Pour en finir avec l’Histoire et le syndrome de Stendhal

Je voudrais m’excuser aux lecteurs pour le chaos qui règne d’une main de fer dans la structure de ce texte. Je ne suis pas un écrivain. Seulement chroniqueur.

J’ai toujours été habité par l’étrange sentiment d’être né à la mauvaise époque, d’être légèrement décalé. Vivre la révolution tranquille, regarder Mai 68 à la télévision, applaudir la nouvelle-vague au cinéma, supporter la révolution chinoise et cubaine (hasta la victoria siempre comme disait le t-shirt). Merde, pourquoi je suis né après la chute du mur, pendant la chute du communisme. Les années 60-70 me représentent bien mieux que la mondialisation, non? Avec quelques coups de pieux, ces foutus allemands on réussit à créer une brèche béante dans un mur à travers laquelle tout passe, tout passe sans cesse. La cadence à accélérer et tout va trop vite maintenant. Je n’en peux plus, j’étouffe. Foutue canicule. Ces jours-ci, on ne peut même plus prendre le temps de regarder tout droit dans le soleil sans être aveuglé. Avant oui, mais maintenant tout n’est qu’information et propagation. Information et propagation. Transmitting virus and disease. Normal que l’on ait autant peur de la grippe. Ça va finir par nous tuer. Si on restait chacun dans nos trous sans jamais se croiser, si au moins….À quand la révolution?!? Réveillez-moi quand vous entendrez le martèlement du tambour, je veux la voir de mes propres yeux!
Stop, c’est l’heure de la clope .

Inserting The Miror. Press play :
« Ignat s’avance vers un téléviseur et l’ouvre. En noir et blanc y apparaît l’image d’une infirmière et d’un adolescent infirme. Du moins, on croit que c’est un handicapé, mental ou physique. Il bégaie et éprouve de la difficulté à répondre aux questions de l’infirmière. Quel est ton nom? D’où viens-tu? Vas-tu à l’école? Yuri Zhari. Je viens de Kharkov (l’ancienne capitale de l’Ukraine soviétique). Je vais à une école de métier (pour mieux apprendre à fixer le boulon sur le moteur du tank dans mon usine industrielle pour la gloire de l’URSS!). Maintenant c’est le temps de faire l’exercice d’hypnotisme. L’infirmière demande au garçon de la regarder droit dans les yeux. Obnubilé, le jeune homme se penche lentement vers la femme et en perd l’équilibre. Elle le redresse. Elle met sa main derrière sa tête. Je vais reculer ma main et tu vas essayer de la suivre avec ta tête. Elle recule sa main jusqu’à ce qu’il perd l’équilibre à nouveau. Elle empoigne ses mains. Maintenant, concentre-toi sur tes mains. La caméra zoom-out et l’ombre d’un micro apparaît sur le mur derrière Yuri pendant qu’il essaie de garder ses mains immobiles. Concentre ta volonté, ton désir de réussir dans tes mains. Tes mains sont tendues. Je vais compter jusqu’à trois. À trois, tes mains seront rigides. Un, deux, trois! Elle les lâche. Regarde tes doigts, ils sont tendus. La tension dans ta tête voyage jusqu’à tes doigts. Tes mains sont maintenant rigides, tu essaies de les bouger, mais tu en es incapable. Elle pose son index sur la tempe de Yuri. Maintenant je vais te débarrassé de la tension dans ta tête. Tu vas parler clairement et sans le moindre effort. Tu vas bien parler. Tu vas parler fort pour toute ta vie. Elle place ses mains sur le crâne du jeune homme. Je vais enlever cette tension qui est responsable de ton bégaiement. Un, deux, trois! Dit : «je peux parler». Yuri, sans effort : «je peux parler». Le titre du film apparaît : Зеркало »
Un miracle? Seulement à la télévision soviétique. Yuri l’Ukrainien bégayait des mots incohérents qui reflètent des traumatismes d’enfances : guerres, goulags, travail forcé, longue vie à l’URSS! C’est ce que j’ai compris de cette scène d’ouverture du film de Tarkovski (annotée de quelques commentaires personnels). Dans cet autoportrait, Tarkovski nous témoigne des horreurs vécues sous le régime de l’URSS. Le cinéaste met en scène une fresque impressionnante de personnages qui sont témoins de plusieurs réalités troublantes : Alexei le cinéaste, son fils Ignat (qui joue aussi Alexei) et son ex-femme Natalia (qui joue aussi la mère d’Alexei dans les scènes de flashback). Ce qui rend le film efficace et puissant c’est l’utilisation d’acteurs récurrents. Contraire à la méthode «classique», Tarkovski laisse les mêmes acteurs jouer des personnages qui viennent du passé et du présent ce qui brise la notion du temps auquel le spectateur s’est habitué au cinéma.
Stop, c’est l’heure de la clope

Je me réjouis maintenant des quelques coups de pieux qui ont ouvert la brèche dans le mur à travers laquelle tout passe. Vive la mondialisation! Vive l’ouverture sur le monde! Les films me transportent ailleurs, et bien que le voyage ne soit pas toujours plaisant, il est pour ma part nécessaire. Et si je suis réveillé après-demain par le lourd martèlement du tambour de la révolution, je serais plus porté à aller me coucher et rêver qu’à marcher dans les rues et brandir fièrement le drapeau noir. Mais ça, c’est ce que je pense aujourd’hui. Demain est un autre jour.

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